• revolutionary road : les noces rebelles

    revolutionary road : les noces rebelles

     

     

     

     

     

    En réunissant le couple vedette du Titanic, de James Cameron, près de onze ans après, il aurait été facile d'organiser une opération marketing de grande envergure et de commettre un mélodrame mercantile pour attirer les nostalgiques dans les salles. Pour donner un exemple, Julia Roberts et Richard Gere ont essayé de maintenir l'illusion qu'ils avaient encore des choses à faire ensemble en reformant leur duo des années après Pretty Woman. Le résultat intitulé Just Married proposait une bluette insipide uniquement calibrée pour séduire un public de midinettes. Ce genre de procédé qui témoigne d'un certain mépris envers le spectateur n'est heureusement pas du goût du réalisateur Sam Mendes qui en trois longs métrages n'a jamais commis de faux pas artistique en changeant de registre à chaque nouveau projet (la chronique banlieusarde pour American Beauty, le polar pour Les sentiers de la perdition et le film de guerre pour Jarhead). C'est pour cette raison que Kate Winslet et Leonardo Di Caprio ont accepté de collaborer une nouvelle fois ensemble, en plus du fait que Mendes est l'époux de Winslet dans la vie. Ensemble ou indépendamment, ils ont dû faire face aux mêmes critiques (on les réduisait à un phénomène de mode et ils ont été oubliés aux Oscar à l'époque du Titanic). Depuis le temps, ces deux acteurs très doués ont prouvé qu'ils étaient capables de beaucoup ailleurs (Kate Winslet qui se perd chez Jane Campion dans Holy Smoke, Leonardo Di Caprio qui fait des prodiges chez Steven Spielberg et Martin Scorsese). Pour que les retrouvailles soient à la hauteur de l'attente, il fallait un scénario de taille qui ne soit pas consensuel et traduise des choses complexes avec un langage simple et clair pour un résultat à la fois beau, émouvant et compréhensible par tous. Ça donne Les Noces Rebelles, un chef-d'oeuvre.

     

    LES NOCES REBELLES
    Un film de Sam Mendes
    Avec Kate Winslet, Leonardo DiCaprio, Kathy Bates, David Harbour, Michael Shannon, Zoe Kazan
    Durée : 1h59

    A défaut d'être inédit, le sujet (l'autopsie d'un couple dans l'Amérique des années 50) était idéal. Il nécessitait juste un traitement qui fasse la différence. On pouvait compter sur la cruauté, la subtilité et la justesse du regard de Sam Mendes qui sait diriger ses comédiens pour qu'ils donnent le meilleur (Kevin Spacey, Annette Bening, Chris Cooper et toute une jeune génération d'acteurs dans American Beauty, Tom Hanks, Jude Law et Paul Newman dans Les sentiers de la perdition, Jake Gyllenhaal dans Jarhead). Pendant une demi-heure, on ne se doute de rien devant la modestie de la mise en scène, totalement dévouée à l'histoire, et l'utilisation consommée de l'ellipse dans un scénario qui pose très rapidement les personnages dans un univers précis et enchaîne des scènes extrêmement dialoguées en conservant un souci de la reconstitution historique. Puis, sans avoir repéré le point de rupture (surtout parce qu'il n'y en a pas), le récit digresse vers une tragédie abrupte. Rarement le classicisme (celui qui peut refroidir) aura fréquenté des zones aussi troubles.

     

    Le pré-générique (une ville, un immeuble, une rencontre dans une soirée, une danse, une représentation théâtrale, une dispute sur le chemin du retour en voiture) préfigure pourtant un malaise. Un couple a priori idéal (Kate Winslet et Leonardo Di Caprio sont beaux et encore jeunes) désire une vie meilleure mais semble gangrené par la destruction (sa mélancolie, son ennui et son cafard à elle ; sa désinvolture à lui qui trahit paradoxalement son manque d'assurance) et menace à chaque instant d'exploser à force d'insatisfaction. Ils sont en réalité guidés par la peur de l'ennui et du conformisme (la simple idée de ressembler aux autres). Le seul moyen de remettre un peu de piment dans leur couple, c'est de partir à l'étranger et d'échanger les rôles (elle veut s'occuper de lui alors que jusqu'à présent, elle était une desperate housewife fantasmant une carrière de comédienne et il refusait les contingences du monde professionnel). Dans la société puritaine des années 50, c'est beaucoup, et beaucoup trop pour le regard des voisins comme des amis. Cet environnement sert d'écrin à une réalité trouble des sentiments où tout un chacun peut reconnaître ses gouffres.

     

     Là où le film est déchirant, c'est lorsqu'il annonce puis montre l'échec de cette indépendance. Le couple s'est installé dans une routine et il est a priori impossible de le faire évoluer selon des envies et des besoins individuels. La cruauté du propos vient du renoncement des rêves les plus fous. Dans les grandes lignes, Sam Mendes retrouve le chemin de la critique d'une Amérique faisandée comme dans American Beauty (qui devait beaucoup au scénario de Alan Ball). Sauf que l'action se déroule dans les années 50. Les personnages sont confrontés à la même dictature des apparences. Ce pourrait être une facilité, une redite et ça ne l'est jamais. En partant de schémas et de codes sinon mille fois vus, mille fois tentés, Les noces rebelles avive une émotion, une simplicité et une puissance d'envoûtement sidérales. La tristesse joue de manière si profonde qu'elle fait vaciller la raideur trop classique. Il n'y a rien de plus beau que ce travail souterrain, dans l'échine dorsale du récit, d'une morbidité qui sape chaque cliché, chaque séquence ou plan déjà-vu ailleurs pour en réactiver la puissance. Il n'y a rien de plus difficile d'enregistrer avec autant de finesse et de précision le mouvement des sentiments de l'idéal et de l'absolu, par essence inviolables, qui s'entourent sur le fil ténu de la vie.

     

    Leonardo Di Caprio a un physique de poupon mal dégrossi adéquat pour jouer un adulte qui n'arrive pas à assumer ses responsabilités d'adulte. Kate Winslet, sublimée, rayonne avec ce rôle de femme qui porte les stigmates de la souffrance affective, consciente que sa vie repose sur un vide abyssal, une illusion morbide. Seule ou accompagnée, heureuse ou triste (ou les deux à la fois), elle trimballe dans chaque scène une mélancolie foudroyante et communique un spleen insaisissable. Les personnages secondaires ne sont jamais sacrifiés pour mettre en valeur le couple vedette, bien au contraire. Parmi eux, il faut distinguer Michael Shannon, acteur venu du théâtre et découvert dans Bug, de William Friedkin, dans le rôle d'un fils de bonne famille sorti d'asile psychiatrique qui représente malgré lui toute la marginalité que le couple recherche. C'est le seul à asséner la vérité en face dans une société hypocrite parce qu'il n'a plus peur de rien et son acuité rationnelle est telle qu'il vise extrêmement juste. Kathy Bates incarne sa mère, une voisine qui assiste de loin à la désagrégation du couple Winslet/Di Caprio. Il est mis en parallèle avec un autre couple, plus classique et plus frustré surtout, caractérisé par une difficulté d'exprimer des sentiments simples (la femme qui ose à peine révMendes fouille dans l'intime et cherche constamment par aplats de contrastes - le couple libre/le couple coincé - à épurer le trait. Derrière l'apparence, sous les images, il reste la vérité : une danse en forme d'étreinte dans un bar, une déclaration d'amour fou dans une voiture, un homme de dos qui cache sa tristesse, une apparition lumineuse de voisine fantasmée dans l'embrasure d'une porte. Il y a les sourires de façade et les crissements intérieurs. La virtuosité du cinéaste est modérée par son sujet, qui n'autorise aucune faute de goût (surtout pas d'emprunts au technicolor ni même aux ficelles lacrymales de Douglas Sirk à la manière du Loin du paradis, de Todd Haynes). Jamais il ne pousse la situation au-delà du strict nécessaire, et dieu sait si les occasions sont nombreuses de tomber dans l'exagération, le pathos. Surtout, il lui suffit d'un plan final - terrible - pour résumer tout ce qui vient de se passer (le bruit des gens autour avant le silence de mort). Hollywood a perdu l'habitude de produire un cinéma aussi ambitieux et complexe. Dans ce domaine, Les noces rebelles est un monument.

     

    Romain Le Vern

     

     

     

     

     

    Un film de Sam Mendes avec Leonardo Di Caprio, Kate Winslet et Kathy Bates

     

    Titre original : REVOLUTIONARY ROAD (Etats-Unis)
    Genre : Comedie Dramatique - Duree : 2H05 mn
    Distributeur : Paramount
    Sortie en salles le 21 Janvier 2009
    Année de production : 2008
     

     


    1st edition cover
    Author Richard Yates
    Country United States
    Language English
    Genre(s) Novel
    Publisher Greenwood Press
    Publication date 31 December 1961
    Media type Print (Hardback & Paperback)
    Pages 337 pp (first edition, hardback)
    ISBN ISBN 0-8371-6221-1 (first edition, hardback)

     

    le livre

     

    http://www.lemonde.fr/cinema/article/2009/01/20/les-noces-rebelles-autopsie-d-un-mariage-americain_1144185_3476.html

     

     http://www.youtube.com/watch?v=8z6kDo1OFzE

     

     http://www.youtube.com/watch?v=L-4pYA7zC1I

     

    http://www.youtube.com/watch?v=pJYtOtVqQDQ

     

    http://www.youtube.com/watch?v=I54i6ITGWB8

     

    http://www.youtube.com/watch?v=-EjMRNHEeUc

     

    http://www.amazon.fr/Revolutionary-Road-Richard-Yates/dp/0307454789

     

     

     

     

     

     

     




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